que cherches-tu ? c'est ici...




Cher Monsieur le propriétaire de l'îlot en friche...

si j'empruntais les mots des autres je vous dirais ''qu’il y a des îles, des îles de lumière dans le plein jour. Des îles pures, fraîches, silencieuses. Immédiates ’’ 1

et je vous raconterais que de votre îlot -où j'ai trouvé refuge au pied d'un arbre tout jeune qui voulait grandir- j'ai entrevu une île...
je m'y suis posée par un jour de grande chaleur torride, j'y ai repris mon souffle -les arbres m'apprennent à respirer-
et alors je me suis mise à rêver... rêver dans cet îlot d'un jardin et d'un parc, un îlot de verdure comme l'oasis au milieu du bitume
j'ai vu des grands arbres qui dansaient et ralentissaient le vent
senti des odeurs de fraiches et des parfums sauvages, des mousses sur les rochers, des joncs et des oiseaux au lieu du bourdonnement des systèmes de climatisation...
j'ai rêvé que l'îlot deviendrait une île

et donc je vous écrirai avec les mots de ce cher Bobin toujours, que je vous écris aujourd’hui ''dans l'espérance de découvrir quelques phrases, justes quelques phrases, seulement quelques phrases qui soient assez claires et honnêtes pour briller autant qu'une petite feuille d'arbre vernie par la lumière et brossée par le vent''. 2

pour vous convaincre de rêver avec nous peut-être

et si vraiment il vous faut bâtir sur cet île, que ce soit avec le courage d'utiliser des matériaux nobles et en cherchant une économie de toutes les ressources, et la plus grande discrétion...

et que s'il vous faut vraiment faire fortune, vous soyez habité par la volonté de reprendre le fil -'repanser' nos villes- parce que ces questions nous habitent tous, et sont aussi les nôtres : comment créer de la richesse en restant fidèle à ce que nous sommes... ''Homme arbre, homme fleur, homme vent, homme terre''; 3

que votre maison prenne l’arbre comme locataire... l'ami Hundertwasser vous l'aurait dessiné;
que vous ayez pour toit cette friche sauvage et cet arbrisseau qui m'ont guéri encore aujourd’hui

car cela est vrai, maintenant je le sais :

''Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve''4


et qu’alors votre fortune vous vienne de cette audace…


Hundertwasser Haus | Vienne, Autriche



1: C. Bobin -Éditions Lettres Vives, 2002, pour Le Christ aux coquelicots.

2, 4: C. Bobin -Éditions Le temps qu'il fait, 1998, pour La Présence pure.

3: C. Bobin -Éditions Gallimard, 1992, pour Le Très-Bas.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire